• Première légende de l'Outremer : La violoniste dans la tempête

         La voute céleste enténébrée se fissura d'un trait de lumière blanche à l'allure chaotique tandis qui suivit, moins d'une seconde après, une explosion sonore similaire à des centaines de tirs de canons. Dans cette pénombre se heurtaient la furie du ciel et de la mer dans une rage que je ne leur connaissait pas. Qui pourrait imaginer, sans jamais le voir, que les éléments pouvaient se déchaîner à ce point ? Les vagues tentaient toutes de faire basculer notre fier espadon, et tous ses mattelots à défaut, les aggrippants tous, sans exception, avec une force peu commune. Certes, nous étions des marins, de corps et d'esprit, mais l'océan nous ébranlait ce jour-ci d'une puissance qui nous était inconcevable. Pourtant nous tenions bon, harnachés au mât, courant de tous bords, trébuchants, tombants, nous relevant à chaque fois. Nous ne faisions qu'obéir aux paroles du capitaine, seul autre sonorité assez puissante pour transcender le rugissement infernal de la nature. Il nous suffisait d'un regard pour retrouver confiance, un simple coup d'oeil sur ce roc qu'aucune vague n'ébranlait. Toutes se jetaient sur lui sans le faire sourciller un seul instant. Il gardait le cap sans s'en détourner, fondant les flots jusqu'au coeur de la tempête avec la determination d'un dieu des océans. S'il avait eu peur un seul instant, ou s'il avait douté ne serait-ce qu'une micro-seconde, rien n'en transparaissait ni dans sa gestuelle ni sur son visage bourru et barbu. Cette vision d'une volonté inanbrélable nous redonnait confiance même au milieu de l'enfer, mais ce n'était pas ce qui me motivais le plus en cet instant. Une nouvelle secousse et mon regard tomba sur cet homme en noir que les éléments semblaient éviter. Il tanguait, et se racrochait au bastnguage, mais les vagues passaient régulièrement à côté de lui. C'était son idée que de venir naviguer près des récifs du raz dès que la tempête se lêverait. Il voulait la voir, même si ce n'était qu'une légende, et je l'avais trouvé cinglé dès le premier jour. Pourtant, je désirais tout aussi hardemment aller plus avant, découvrir la vérité, la voir au milieu de ces ténèbres. C'est alors que mon coeur s'emballa lorsque les sons chaotiques en furie commençèrent à s'atténuer, comme après un choc à la tête qui vous donne l'impression de devenir sourd. Tout s'estompait mais je l'entendis distinctement, siffler avec le vent, le son particulier d'un violon, dans une composition amère et triste. C'était elle, quelque part dans cette noirceur, sur un rocher ou sur l'eau, elle continuait inlassablement à jouer sa mélodie, la violoniste de la tempête.

     


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